Des archives seigneuriales en Sologne
Les archives du château de Béon, à Viglain, viennent d'être classées. Découvrez l'histoire de ce petit château de Sologne !
Un château et un seigneurie en Sologne
Le château de Béon (parfois prononcé et écrit Bion) est situé sur la commune de Viglain, en Sullias et plus largement en Sologne. La plus ancienne mention de Béon connue grâce au fonds d'archives date de 1417. Le lieu de Béon consistait à la fois en un domaine et en une seigneurie.
Le domaine de Béon était constitué autour du château (plutôt une maison cossue, les aveux les plus anciens faisant toutefois état d'une motte) ceint de fossés (mentionnés dès 1417), d'une manoeuvrerie attenante, d'une métairie, de terres et de bois en Viglain (dont certains avaient appartenu à Beauregard), ainsi que d'un étang.
La seigneurie de Béon, de faible importance, relevait directement de celle des Guetz à Ouzouer-sur-Loire, laquelle dépendait du duché de Sully.
De Béon dépendaient les fiefs de Chamon (Viglain) et de l'Aulnoy (Souvigny-en-Sologne, Loir-et-Cher), ainsi que des censives situées essentiellement en Viglain, Isdes (Mont-de-Mars), Villemurlin et en la paroisse de Saint-Germain de Sully.
Les relations et les échanges étaient très forts avec la seigneurie de Beauregard, en Viglain, beaucoup plus importante et également propriété de la famille Pochon depuis la mi-XVIe siècle, sans qu'il y ait pour autant de rapport de suzeraineté.
Des familles propriétaires d'importance locale
Le château de Béon fut successivement, à partir des années 1480, la propriété des familles Potin, seigneurs de la Mothe-Viglain (ou de la Mothe-Potin), de la Chapelle (au XVIe siècle), Pochon puis Gauvignon (branches de la Gaudinière, de l'Epinière et de Basonnière - ou de Bazonnière), du XVIIe au XIXe siècle, et enfin de Vivès depuis 1894.
D’antique souche chevaleresque orléanaise, la famille Potin possédait la terre de Burly et celle de la Motte-Viglain par le mariage au XVe siècle de Jacques Potin avec une certaine Morin, dame de la Motte-Viglain (rebaptisée à l’occasion Motte-Potin). Leur fils, Jacques Potin (décédé vers 1512), était également seigneur de Béon.
La famille Pochon était essentiellement possessionnée en Sullias, se partageant au gré des héritages les seigneuries de Beauregard (Viglain), Cormorin (Villemurlin), des Guetz (Ouzouer-sur-Loire) (dont relève Béon) et de Marcilly. C'est Nicolas Pochon, sieur des Guetz et des Gorlières, qui achète Béon à Charles de la Chapelle en 1627.
La famille Gauvignon, famille de militaires originaire de Romorantin, était très possessionnée en Sologne (Cher et Loir-et-Cher, Jouy-le-Potier pour le Loiret). Elle devient propriétaire de Béon par le mariage de Jean III Gauvignon de la Gaudinière avec Marie Pochon en 1669. Celui-ci décède des suites de blessures reçues à la bataille de Seneffe (épisode de la guerre de Hollande) en septembre 1674.
À la Révolution, Charles Gauvignon de l’Epinière et son frère Augustin-Louis Gauvignon de Bazonnière sont portés sur la liste des suspects par le comité révolutionnaire du Loiret. Le vicomte de l’Epinière avait en effet émigré dès 1789 et ne rentra en France qu’en 1802 après avoir suivi les comtes d’Artois et de Provence en Suisse et en Italie. Augustin-Louis de Bazonnière est lui-même arrêté en 1793 puis relâché.
Louise de Basonnière épouse en 1863 le marquis Anatole de Vivès, issu d’une famille originaire de la province de la Manche (Espagne), installée en France depuis la fin du XVIIIe siècle. Elle confie la gestion de Béon à son fils aîné Marc de Vivès, celui-ci étant particulièrement investi dans la vie locale : comité central agricole de la Sologne et syndicat des agriculteurs de l'arrondissement de Gien, conseil de fabrique de la paroisse de Viglain, etc. (585 J 21).
Les petits-enfants de Louise de Basonnière, Christian et Guy, sont directement touchés par la Seconde Guerre mondiale : Guy de Vivès est arrêté par la Gestapo le 15 janvier 1943 et déporté au camp d’Oranienburg où il décède en 1944 ou 1945 (la date réelle du décès n’ayant pu être établie) ; Christian de Vivès est également prisonnier de guerre. À la même époque, le domaine de Béon est occupé par les troupes allemandes (585 J 59). La famille reste propriétaire du château de Béon jusqu’au début des années 2010.
Le contenu du fonds
Le fonds est tout d’abord constitué de documents familiaux (585 J 1-31) : successions des familles propriétaires de Béon, preuves de noblesse des familles Pochon (585 J 2) et Gauvignon de la Gaudinière (585 J 10), correspondance et comptabilité domestique.
La seconde partie du fonds consiste pour une part en documents de nature seigneuriale : aveux et ports de foi et hommage, censier du XVIe siècle, etc. (585 J 32-44). On notera par ailleurs la présence de documents seigneuriaux concernant la seigneurie de Beauregard (Viglain, 585 J 73), propriété de la famille Pochon, ainsi que des fiefs sis en Loir-et-Cher (propriétés de la famille Gauvignon, 585 J 74-75) et en Eure-et-Loir (relevant de la grosse tour de Janville, 585 J 76).
Pour une dernière part, le fonds comprend de nombreux documents domaniaux concernant Béon (585 J 45-72) et d’autres biens, essentiellement en provenance de la famille Gauvignon (585 J 77-93) : arpentages, comptabilité, travaux, étangs, baux à ferme, gestion du bétail et des bois, etc. Cette documentation fait notamment apparaître une exploitation croissante du bois au XIXe siècle, laquelle s'inscrit pleinement dans le contexte de la transformation du paysage solognot.
Intérêt du fonds
Bien que la seigneurie et le domaine de Béon soient de faible importance, ce fonds est très intéressant de par la présence d'archives des familles de plus grande envergure qui en ont été les propriétaires (familles Pochon et Gauvignon notamment). Il constitue également un témoignage remarquable sur la gestion d'une seigneurie secondaire, d'un domaine souvent considéré comme annexe par ses propriétaires mais relativement bien entretenu et administré.
Une acquisition des Archives départementales
Le fonds d'archives a été acheté en 2012 à une représentante de la famille de Vivès, propriétaire du château depuis 1894. Cette acquisition a bénéficié d’une subvention du ministère de la Culture - Archives de France.
Pour aller plus loin
Consulter l'inventaire du château de Béon (référence 585 J).
Quelques ouvrages à consulter :
- Colonel André Billard, Mon village au coeur de la France. Histoire sociale, politique et religieuse d'un village paysan : Viglain, Paris, 1964. (cote Archives départementales BH P 988) (A eu accès aux archives de Béon et deBeauregard, dont il était le propriétaire au moment de la rédaction de l’ouvrage).
- E. du Ranquet, Beauregard, commune de Viglain, extr. du n° 4 des Annales du comité central de la Sologne (cote Archives départementales BH Br 2146).
Date de modification : 10 août 2016